Qu’est-ce qu’un Johatsu ?

Un « évaporé ». C’est le nom donné à ces individus qui, sans crier gare, décident de se lancer dans une nouvelle vie. Tout laisser derrière soi, parfois sans même une lettre d’adieu.
Pourquoi ce phénomène est-il si répandu au Japon, au point qu’on lui a donné un nom ? Plusieurs facteurs expliquent cette prévalence : le nombre élevé de personnes qui choisissent de disparaître, ainsi que les normes implicites et les lois du Japon. Depuis la crise économique des années 1990, causée par la reconstruction très rapide du pays après la Seconde Guerre mondiale, de nombreuses personnes se sont retrouvées lourdement endettées, et, dans le pire des cas, poursuivies par des agences de recouvrement et les yakuza. Pour certaines, la seule issue semblait être le suicide ou la disparition. Depuis 2015, le phénomène a pris de l’ampleur, atteignant un pic en 2019 avec 90 000 disparus. En moyenne, environ 80 000 personnes disparaissent chaque année depuis 2015. Étonnamment, la crise sanitaire de 2020 a ralenti ce phénomène, en raison de la peur du virus.

Les lois japonaises sont très claires : si la personne disparue est majeure et semble avoir disparu volontairement, la police ne la cherchera pas, sauf en cas de soupçons de suicide ou de crime. De plus, le renforcement de la protection de la vie privée n’aide pas à retrouver ces personnes : il est par exemple quasiment impossible pour les parents d’accéder aux dossiers de leurs enfants disparus. Cela pousse les familles à engager des détectives privés ou d’autres professionnels du genre. Le Japon a créé un droit à disparaître.

Les facteurs socio-culturels jouent également un rôle très important dans ce phénomène de disparition. La réussite sociale est fortement valorisée au Japon, et ceux qui échouent ressentent souvent une profonde honte. La fuite peut devenir une solution pour échapper au jugement de la société. L’échec personnel ou professionnel est mal perçu, poussant certains individus à choisir la disparition pour éviter d’affronter le regard des autres et de leur famille. Comme mentionné précédemment, les dettes et situations économiques insoutenables incitent davantage à disparaître. La stigmatisation de la santé mentale au Japon empêche aussi souvent les individus de chercher de l’aide.

Un business est né autour de ce phénomène. Des manuels pour disparaître sont disponibles, incluant des instructions pour rédiger une lettre qui dissuadera les autorités de vous rechercher, ainsi que les démarches à suivre. De manière plus extrême mais tout autant présente, des entreprises aident activement les personnes à disparaître. Appelées “Yonige-Ya” , elles proposent, pour une somme relativement élevée entre 2 000 et 20 000 € , de venir en pleine nuit pour emballer toutes vos affaires et vous emmener loin de votre vie actuelle pour un nouveau départ.

Du côté des familles de disparus, des détectives privés, parfois à la limite de la légalité et très coûteux, tentent, par divers moyens, de retrouver les traces de ces évaporés.